Thèse de Lucile Rey- Les odeurs, les meilleurs conteurs de souvenirs ? Particularités cognitives et neuronales de la mémoire épisodique indicée par des odeurs, musiques et visages

A l'invitation de

Barbara Tillmann (Équipe CAP, CRNL) et Jane Plailly (Équipe CMO, CRNL), Sylvain Delplanque (Rapporteur), Mathilde Groussard (membre invitée), Christopher Moulin (Examinateur), Fabien Perrin (Examinateur), et Pascale Piolino (Rapporteure).

La mémoire épisodique concerne la ré-expérience d’évènements personnels passés ancrés dans leur contexte d’encodage. Ces souvenirs épisodiques ne sont pas figés : leur contenu est influencé par la modalité sensorielle de l’indice de rappel. Par exemple, les souvenirs évoqués par des odeurs sont connus pour être moins fréquents, plus surprenants, vivaces, émotionnels, et anciens que les souvenirs évoqués par des images ou des mots. Ces phénomènes sont communément expliqués par les liens anatomiques étroits et directs qui existent entre les structures primaires olfactives, mnésiques et émotionnelles. Pourtant, les odeurs n’ont que trop rarement été comparées à des indices qui possèdent eux aussi des liens privilégiés avec la mémoire, comme la musique et les visages, tant au niveau comportemental que fonctionnel. Cette thèse présente deux grands objectifs :

1) Identifier et caractériser les particularités de la mémoire épisodique attribuables à la modalité sensorielle de l’indice de rappel (Etudes 1 et 2) ; 2) Etudier la dynamique des réseaux neuronaux qui sous-tendent le rappel épisodique et plus particulièrement les interactions qui sont modulées différemment selon la modalité sensorielle de l’indice de rappel (Etude 3). Pour tester l’hypothèse que l’émotion serait un facteur essentiel dans la particularité des indices olfactifs à remémorer un souvenir, cette thèse a pour objectif secondaire d’évaluer l’effet différentiel de l’émotion de l’indice de rappel épisodique en fonction de sa modalité sensorielle. Pour répondre à nos objectifs et permettre l’étude de la mémoire épisodique dans des conditions les plus écologiques possibles, nous avons développé un protocole de réalité virtuelle non-immersive déclinable en plusieurs versions permettant l’encodage et le rappel d’épisodes complexes et multisensoriels vécus en laboratoire.

Par l’utilisation de stimuli neutres, la première étude a montré qu’il existe une influence de la modalité sensorielle de l’indice de rappel sur les performances de mémoire de reconnaissance et épisodique. Les visages ont été très bien reconnus et ont été de très bons indices de mémoire épisodique ; les odeurs ont été moins bien reconnues mais ont été de bons indices de mémoire épisodique ; les musiques bien que très bien reconnues n’ont pas été de bons indices de mémoire épisodique. Par l’utilisation de stimuli émotionnels, la seconde étude a confirmé les résultats précédents, et précisé les effets de l’émotion sur les performances de mémoire épisodique en montrant que la valence émotionnelle de l’indice de rappel favorise globalement toutes les étapes de mémoire. Les stimuli les plus plaisants et déplaisants, par comparaison aux plus neutres, sont associés à de meilleures performances de mémoire. De plus, l’efficacité prononcée des odeurs à évoquer un rappel épisodique a été associée à la motivation à rééchantillonner le stimulus. Cette étude a également souligné l’importance de la pertinence écologique des stimuli, la virtualisation des visages conduisant à la suppression de leur supériorité comme indice de mémoire vis-à-vis des odeurs et des musiques. La troisième étude, encore en cours, confirme la force des odeurs, quand elles sont plaisantes, à remémorer les différentes dimensions d’un épisode. Des données préliminaires, suggèrent que les indices musicaux et olfactifs de la mémoire épisodique activent les réseaux de la mémoire autobiographique. En conclusion, nos études montrent un effet de la modalité sensorielle de l’indice de rappel sur le rappel épisodique et suggèrent que cet effet est associé à l’émotion portée par ces indices. Les odeurs semblent des indices de rappels particuliers, associés à une performance de reconnaissance moyenne, mais favorisant une recollection précise des souvenirs épisodiques. Cette recollection est portée par la motivation qu’elles engendrent. Les musiques, bien que très bien reconnues, ne favorisent pas le rappel correct des dimensions épisodiques associées. Enfin, les stimuli visuels semblent différer en fonction de la pertinence écologique de ces derniers, une mémoire plus efficace et complète étant associée à des stimuli plus pertinents écologiquement.

Equipe
7 février 2022 13:00–15:30

L’amphithéâtre du Neurocampus Michel Jouvet.