Projets ANR du CRNL sélectionnés en 2021 - NEONATOLF, Gérard Coureaud, ENES CRNL

Gérard_Coureaud

Résumé

L’olfaction est un sens décisif tout au long de la viedes animaux, impliqué dans l’expression de certains de leurs comportements les plus cruciaux (relations mère-jeunes, choix de nourriture, évitement de dangers, etc.). Chez les mammifères, Homme y compris, cette sensorialité est connue pour fonctionnerdès la vie fœtale,et pour influencer les premières orientations du nouveau-né au contact du corps maternel en vue de la tétée. Néanmoins, la nature chimique des odeursimpliquées et des mécanismes biologiques sous-tendant leur traitement et leur perception demeure largement méconnue. Le lapin est la seule espèce à ce jour chez laquelle une phéromone,émise par la mère et jouant un rôle clé dans l’aptitude des nouveau-nésà localiser les tétines et à téter lors de leur unique et bref allaitement quotidien,a été identifiée:la phéromone mammaire (PM). Cette phéromone a par ailleurs un puissant pouvoir cognitifen étant apte àpromouvoir,de façon exceptionnellement rapide (1 essai, 5 minutes),l’apprentissage d’autres odeursinitialement neutres: 24h après le couplage d’unetelleodeuravec la PM, les lapereaux répondent à l’odeurappriseen exprimant le comportement orocéphalique de localisation-prise en bouche des tétines aussi efficacement qu’envers la PM. Cela fait du lapin une formidable espèce modèle pourétudier l’olfaction, la perception phéromonale,et la mémoire olfactive néonatales. Dans ce contexte, le projet franco-américain NEONATOLFde recherche fondamentale,à viséeégalement appliquée, associe les forces de 3partenaires français (Unités CNRL, CSGA, NutriNeuro) et 1 américain (Duke University), tous spécialistes des sens chimiques et de la perception olfactive, dans un travail multidisciplinaire sans précédent chez cette espèce allant de la protéomique au comportement. Il vise à révéler certains processus biochimiques, neurophysiologiques et comportementaux qui participent au traitement par le lapereau de la PMet d’odeurs apprisesgrâce à elle,à caractériser plus avant lamémoiredu nouveau-né, et à évaluer les conséquences de ces processus sur la prise lactée. Notreprogramme scientifique, basé sur de fructueux essais préliminaires, explorera trois questions inédites et actuelles en biologie dulapin:1) comment des signaux induisant une réponse comportementale «innée» vs. apprisetels que la PM ou desodorantsappris par couplage avec la PM sont ils traités à la périphérie du système olfactif néonatal ? 2) comment la mémoire de nouvelles odeurs se met-elle en placechez les lapereaux dans le cadre de procédures d’apprentissage direct (couplage avec PM) ou indirect (préconditionnement sensoriel) ?3) quelles conséquences le traitement périphérique (réception, transport, métabolisme) de la PM et l’apprentissage d’odeursnouvelles ont-ellessur la tétée et la survie ? A ce jour, nous disposons de suffisamment d’acquis conceptuels et techniquespour obtenir des résultats novateurs dans ce domaine. En recherche fondamentale, ces résultats seront utiles à tous scientifiques intéressés par la perception de stimuli précis et biologiquement signifiants pour un animalau sein de l’environnement,par nature très complexesensoriellement: chimistes, écologistes, éthologistes, neurobiologistes etpsychologues. En générant une meilleure compréhension de la perception des odeurschez le lapereau, les résultats permettront également d’envisager l’utilisation de stratégies olfactives plurielles pour lutter contre la mortalité néonatale, forte enélevage cunicole,donc douloureuse émotionnellement et financièrement pour les éleveurs, et d’optimiser la transition vers l’aliment solide. Enfin, en caractérisant certains processus biologiques fonctionnels à la naissance et utile à l’interaction vitale du jeune avec la mère, ce projetoffriraau grand public une vision nouvelle de cet animal méconnu, au travers de la mise en lumière de compétences sensorielles, cognitives et comportementales tout à fait remarquables.