Décès de Bernard Renaud

Bernard Renaud

Bernard Renaud (1948-2023)

 

Bernard Renaud, professeur de pharmacologie à la faculté de Pharmacie de Lyon (ISPB) et praticien hospitalier aux Hospices Civils de Lyon nous a quitté ce 12 avril. Il avait 74 ans et c’est bien trop tôt.

Son parcours professionnel est dense et, pour les plus jeunes d’entre vous, il peut être résumé en quelques lignes.

Bernard Renaud est né dans la Loire, près de Saint Etienne, puis il est ‘monté’ à Lyon pour ses études de pharmacie. Passionné par la biochimie, il a pris goût très tôt à la recherche scientifique par l’analyse des protéines. Il a travaillé dès 1972 sur la tyrosine hydroxylase dans le laboratoire de médecine expérimentale de Michel Jouvet. Il a soutenu en 1975 sa thèse de docteur en pharmacie sur le dosage des monoamines du sang et il s’est spécialisé en neurochimie pour obtenir sa thèse d’université. Brillant, sa carrière a rapidement pris forme avec sa nomination au titre de professeur des universités en 1979. Il a ensuite complété sa formation par deux séjours de chercheur invité à Chalmers en Australie et à Cornell aux Etats-Unis. 

En 1981, de retour en France, il créé une équipe de recherche avec Geneviève Chambat, il recrute Laura Lambás-Señas et il oriente ses travaux vers la neuropharmacologie. Son groupe s’est ensuite associé à l’équipe de Jean-François Pujol pour créer une unité CNRS. En 1994, Bernard va créer un nouveau laboratoire avec Laura Lambás-Señas, Bernadette Astier, et des chercheurs de l’ex-laboratoire de Michel Buda : Guy Chouvet et Maïfa Suaud-Chagny. C’est le début de la jeune équipe CJF, transformée en 1999 en unité Inserm (U512 ‘Neuropharmacologie et Neurochimie’). Ce laboratoire sera renforcé par les arrivées successives de Luc Denoroy, Anne Bérod, puis Nasser Haddjeri et Luc Zimmer qui en reprendra la direction en 2005. Bernard a ensuite été directeur de la plateforme NeuroChem à l’IFR Neurosciences, avec trois ingénieurs, Gabriel Debilly, Anne Meiller et Sandrine Parrot.

En parallèle il a occupé les fonctions de biologiste de hôpitaux (1992-2001) puis chef du service de biochimie à l’hôpital neurologique des HCL et responsable de l’unité de neurochimie clinique avec Armand Perret-Liaudet et Isabelle Quadrio.

Parmi sa riche contribution scientifique (près de 200 articles), Bernard a notamment introduit à Lyon la technique d’électrophorèse capillaire couplée à la microdialyse intracérébrale permettant de détecter in vivo des attomoles (10-21 mol !) de neurotransmetteurs. Pharmacien biologiste, Bernard a constamment été soucieux de contribuer à la recherche translationnelle, faisant des ponts entre la paillasse et le patient à l’hôpital. Ainsi, il a mis en place la microdialyse intracérébrale dans le service de réanimation neurologique des HCL avec les appuis de François Artru et Frédéric Dailler et dans le service de neurochirurgie avec Patrick Mertens et Luis Garcia-Larrea.

En 2008, sa santé lui a imposé un coup d’arrêt. Ce n’était pas prévu car Bernard l’hyperactif se voyait encore neuropharmacologue durant quelques décennies… Mais tel un phénix qui renaît de ses cendres, et en faisant mentir les pronostics neurologiques initiaux, il s’est battu comme un beau diable et a repris sa carrière de chercheur, de praticien hospitalier et d’enseignant en assurant à nouveau des cours en amphi. Puis il a été professeur émérite, entre 2014 et 2020. 

Vous l’avez peut-être encore croisé fin juin 2022, lorsqu’il a participé comme co-organisateur local du colloque Monitoring Molecules in Neuroscience, dernière manifestation scientifique à laquelle il a assisté à Lyon, sa ville d’exercice, et dans son domaine de passion, la neurochimie. 

 

Au-delà de ce parcours professionnel exemplaire, les images que retiennent les collègues et amis de Bernard sont celles d’un homme en constant mouvement, toujours en blouse blanche et... toujours souriant…

Tout d’abord, la blouse blanche de Bernard, ou plus précisément le sarrau typique des HCL, marqué « Biochimie Neuro ». Il portait cet uniforme hospitalier toute la journée, même à la faculté à Rockefeller lorsqu’il assurait ses cours de neuropharmacologie et ses fonctions de directeur d’un laboratoire de recherche. Il avait également avec lui toujours un lourd sac, chargé de liasses d’articles scientifiques à lire, à corriger, à réviser et de grands cahiers sur lesquels il notait tout, parfois même le verbatim de nos discussions scientifiques.

Ensuite, le sourire de Bernard. C’était un grand sourire irrésistible qu’il avait en toute circonstance et qui facilitait la conversation avec toute personne présente à proximité, quel que soit son titre et ses fonctions. Car Bernard aimait les autres, c’est indéniable, et il ne comptait pas son temps à partager de bons moments professionnels et personnels avec eux. Il discutait volontiers avec les étudiants qui cherchaient son contact. Il faut dire que Bernard avait un charisme, voire un charme, qui captait l’attention de ses interlocuteurs et interlocutrices.

Il était également exigeant, très exigeant ! Nous avons tous le souvenir de relectures et corrections interminables de nos articles, modifiés au mot et à la virgule près. Son souci de la précision fait qu’il notait même dans les marges des textes imprimés son heure de relecture, parfois à 2h36 ou 4h07 du matin... Hyperactif, il avait besoin de peu de sommeil.

Mais s’il dormait peu, il entretenait sa forme athlétique. Sportif accompli, il a porté durant des décennies la quasi-mythique combinaison rouge des moniteurs de l’Ecole du Ski Français. Ainsi, certains d’entre nous ont bénéficié de conseils sur les pistes de cet excellent skieur. Il aimait à raconter des anecdotes telles que ses descentes nocturnes aux flambeaux au milieu des autres moniteurs de ski de la station d’Avoriaz ou les cours particuliers de ski qu’il a donné à un ancien ministre et sa femme journaliste…

Bernard était une personnalité forte mais il n’était pas pour autant étouffant comme ont pu l’être certains patrons de laboratoires (à une époque révolue et pas à Lyon !...). Si ses réunions d’équipe suivaient l’intangible ordre du jour HFAIS (Humain, Financier, Administratif, Immobilier, Scientifique), elles n’en étaient pas moins cordiales et ouvertes à la discussion. Il laissait carte blanche aux chercheurs de son équipe tout en rappelant, si besoin, les priorités scientifiques de l’Unité.

Bernard, tu fus d’abord notre ‘patron’, notre mentor, puis notre collègue et ami. Ton appétit de vivre permanent, ton sourire contagieux et ton esprit de partage vont nous manquer terriblement. On espère qu’au paradis des personnes brillantes, tu trouveras des pistes de ski (noires), des tables et des vins (fins) à déguster pour occuper tes journées, qui seront très chargées, sans aucun doute !

Sandrine Parrot et Luc Zimmer

 

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