
Imaginez le rugissement d’un lion, le pleur perçant d’un bébé ou les accords puissants d’un guitariste de hard rock. Ces sons contiennent des éléments vocaux rauques et difficiles à ignorer, appelés phénomènes non linéaires. Bien que ces phénomènes acoustiques soient omniprésents dans les vocalisations des animaux et des humains, ils n'avaient jamais fait l'objet d'une étude exhaustive. C'est désormais chose faite grâce à la détermination des chercheurs et chercheuses de l’ENES Bioacoustics Research Lab (Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, Université de Saint-Étienne, CNRS, Inserm). Mathilde Massenet (Univ St-Etienne), Nicolas Mathevon (Univ St-Etienne, EPHE, IUF) et David Reby (Univ St-Etienne, IUF), associés à des collègues des universités de Lund (Suède), Vienne (Autriche) et Copenhague (Danemark) dirigent la publication d’un volume spécial sur ce sujet.
« L’idée nous est venue lorsque je rédigeais mon premier article scientifique sur les phénomènes non linéaires dans les pleurs des chiots », explique Mathilde Massenet. Alors qu’elle préparait sa thèse de doctorat, la chercheuse constate en effet l’absence de connaissances établies sur le sujet. Cette édition des célèbres Philosophical Transactions -qui fêtent cette année leur 360ème anniversaire - comble cette lacune en offrant des articles clarifiant les définitions, présentant les outils d’analyses et de synthèse acoustique, et évaluant l’état de la recherche sur les mécanismes de production vocale et les fonctions communicatives des phénomènes non linéaires. Ces articles écrits par les meilleurs spécialistes mondiaux apportent un regard neuf sur l’évolution des phénomènes non linéaires dans les répertoires vocaux des vertébrés, ouvrant ainsi un nouveau champ de recherche. David Reby, co-responsable de ce projet, explique que "les phénomènes non linéaires sont historiquement le résultat d’une production vocale irrégulière et non contrôlée, et que leur qualité acoustique rauque rend ces vocalisations difficiles à ignorer lorsqu’on les entend." Il ajoute que ces propriétés acoustiques particulières de ces vocalisations animales et humaines sont devenues fonctionnelles dans la communication notamment dans des contextes de détresse ou d’agression. Toutefois, il souligne que ces hypothèses évolutives doivent encore être validées par des études expérimentales comparatives. Nicolas Mathevon ajoute : « La publication de ce volume renforce nos collaborations internationales et contribue à accroître la visibilité de la recherche stéphanoise à l’échelle mondiale ». En effet, l’équipe de recherche stéphanoise frappe fort : parmi les 22 articles qui composent le volume, sept sont signés par des membres de l’ENES.
Ce projet a été mené avec le soutien financier de l'ANR (IDEXLyon Fellowship ANR-16-IDEX-0005 et “SCREAM” ANR21-CE28000701attribuées à David Reby) et de l'Institut Universitaire de France (David Reby et Nicolas Mathevon). Le colloque à l’origine de ce projet a été financièrement soutenu par l’Université de Saint-Etienne, le Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, le labex CeLyA et Saint-Etienne Métropole.
Référence : Massenet M, Mathevon N, Anikin A, Briefer EF, Fitch T, Reby D. 2025 Nonlinear phenomena in vertebrate vocalizations: mechanisms and communicative functions. Phil. Trans. R. Soc. B 380: 20240002. https://doi.org/10.1098/rstb.2024.0002
Date de publication : jeudi 3 Avril 2025
Contact:
Mathilde Massenet
Ancienne doctorante à l’Université de Saint-Etienne. Actuellement post-doctorante au sein du Département de Communication de l’Université de Californie Los Angeles (Etats-Unis)
David Reby
Professeur en éthologie, chercheur au sein de l’ENES (UJM, CNRS, Inserm, Université Lyon 1) - eneslab.com
Membre senior de l’Institut Universitaire de France (IUF)
Contact presse UJM :
Sonia Cabrita - sonia.cabrita@univ-st-etienne.fr
Illustration
Les cris contenant des phénomènes non linéaires, tels que ceux des singes hurleurs, sont visuellement irréguliers sur les représentations spectrographiques. Illustration par Eilean Reby à partir d’une photo et d’un enregistrement acquis par Jacob Dunn (Univerisité Anglia Ruskin, Angleterre).
